UNIVERSITE DE SFAX

Ecole Supérieure de Commerce

 

Année Universitaire 2003 / 2004

 

Auditoire : Troisième Année

Etudes Supérieures Commerciales & Sciences Comptables

 

DECISIONS FINANCIERES

 

TD Introductif

 

La Politique Financière

(Enoncés)  

Enseignant :  Walid KHOUFI

 

Source :

A. Boyer, G. Hirigoyen, J. Thépot, N. Tournois et J.-P. Védrine, Panorama de la gestion, Les éditions d’organisation, 2001.

 

La politique financière concrétise le passage de la théorie à la pratique ou encore le passage des intentions aux décisions. Elle peut se définir comme le choix des condi­tions financières de l’adaptation de l’entreprise à son environnement. Elle va s’exprimer d’une triple manière :

  • par la politique d’investissement,

  • par la politique de financement,

  • par la politique de dividendes.

 

La politique d’investissement et la politique de finance­ment font référence toutefois à la notion de coût du capital.

 

1. La politique d’investissement

La politique d’investissement est étroitement intégrée à la politique géné­rale et à la politique financière de l’entreprise.

C’est pour cela qu’après avoir situé la décision d’investissement dans le cadre de la politique générale de l’entreprise, on étudiera ses aspects financiers.

1.1. Investissements et politique générale de l’entreprise

La décision d’investissement est l’affectation de monnaie à un emploi à long terme, c’est-à-dire la création d’un actif physique ou financier qui participe à un cycle financier long. Cette décision est grave parce que généralement irréversible et parce qu’elle engage l’entreprise sur une longue période. C’est pour cela que la politique d’investissement doit être en conformité avec la politique générale de l’entreprise. «Bien que la désirabilité de chaque dépense particulière de capital doive être définie «par les bénéfices» qu’elle promet, elle doit aussi être jugée d’après sa compatibi­lité avec le programme d’ensemble». La politique générale doit permettre d’apprécier l’opportunité des décisions d’investir car «très souvent dans un premier tour, c’est moins leur rentabilité financière immédiate qui compte que la réalisation de l’objectif fonctionnel qu’on leur a imputé». (Labrousse).

Les investissements requis par la mise en oeuvre de la politique générale peuvent être internes, externes ou semi-externes à l’entreprise :

  • internes : lorsque l’entreprise achète elle-même ses biens matériels ou  immatériels; (Ex. : machines, terrains, recherche-développement for­mation, publicité...).

  • externes : lorsque l’acquisition des moyens de production se fait par le  biais d’opérations d’absorptions ou de fusions d’une autre entreprise qui apporte ses installations, son capital humain, sa trésorerie...

  • semi-externes : dans le cas d’une joint-venture où chaque partenaire apporte des ressources complémentaires.

L’entreprise ne peut décider d’une politique de croissance, de réorganisation, de diversification ou de recentrage qu’après avoir effectué une étude appro­fondie de la concurrence et des marchés de chacun de ses produits. Elle peut le faire à partir des méthodes d’analyse stratégique de la politique financière comme par exemple la matrice d’Arthur D. LITTLE représentée ci-après :

 

 

Secteurs

 

Secteur jeune
et en forte croissance

Secteur mûr
et en faible croissance

Entreprise dominante

I  Forte rentabilité
+
Fort besoin d’investissement
=

Autofinancement

Forte rentabilité III
+

Faible besoin d’investissement
=

Fort excédent de liquidité

Entreprise dominée

II Faible rentabilité

+

Fort besoin d’investissement
=

Fort déficit en terme de liquidité

Faible rentabilité IV

+

Faible besoin d’investissement
=

Autofinancement

Schéma 1 : La matrice d’Arthur D. LITTLE

Cette esquisse d’analyse stratégique de la politique d’investissement montre que le choix des investissements dépasse le cadre strictement finan­cier. Il n’en demeure pas moins que la rentabilité à long terme demeure l’objectif essentiel de toute politique d’investissement.

1.2.  Aspects financiers de la politique d’investissement

La décision d’investissement est une décision financière dans la mesure où la réalisation de l’investissement implique son financement et donc une immobilisation de fonds dans l’espoir de l’obtention d’une bonne rentabi­lité.

L’investissement doit donc obéir à un objectif de rentabilité. Mais dans un environnement d’incertitude il doit répondre aussi à un objectif de flexibilité.

1.2.1.  L’objectif de rentabilité

Financièrement, l’investissement se caractérise par une sortie de fonds ini­tiale (le capital investi) et des rentrées de fonds(cash-flows ou flux nets de liquidité) échelonnés sur toute sa durée de vie.

L’investissement est acceptable dans la mesure où les gains attendus sont supérieurs au capital investi. Evaluer un projet d’investissement consiste donc à comparer ces deux éléments : gains attendus (cash-flows générés par le projet) et capital investi.

Plusieurs critères d’évaluation des projets d’investissement existent : valeur actuelle nette, indice de profitabilité, taux de rendement interne.

  • La valeur actuelle nette (VAN) est la différence entre les cash-flows actualisés à la date 0 et le capital investi :

Pour que le projet Soit acceptable, il faut que la VAN soit positive. Entre plusieurs projets on retient celui qui a la plus grande VAN.

Le taux d’actualisation utilisé est le taux de rentabilité minimum exigé par l’entreprise. Théoriquement ce taux représente le coût du capital de l’en­treprise (voir 3. le coût du capital).

  • L’indice de profitabilité est le quotient de la somme des cash-flows actualisés par le montant du capital investi :

Le projet sera jugé rentable si son indice de profitabilité est supérieur à 1. Le projet le plus intéressant est celui qui a le plus fort indice de profitabilité.

  • Le taux de rentabilité interne (T.R.I.) est le taux r qui rend équivalent à la date 0 le capital investi et la somme des cash-flows actualisés à ce taux.

Le T.R.I. correspond au taux d’actualisation qui annule la VAN.

Le projet d’investissement sera jugé acceptable si son T.R.I. est supérieur au taux de rentabilité minimum exigé par l’entreprise. Le T.R.I. représente donc le coût maximum du capital susceptible de financer l’investissement.

Entre plusieurs projets, on retient celui qui a le plus fort T.R.I.

Ces critères de choix obéissant à un objectif de rentabilité peuvent céder la place dans un environnement incertain au critère du délai de récupération du capital investi (ou pay-back period) qui est le temps au bout duquel le montant cumulé des cash-flows actualisés est égal au capital investi. Le choix entre plusieurs projets s’effectue alors sur la base du délai de récu­pération le plus court.

Ces différents critères ne tiennent pas compte toutefois de l’objectif de flexibilité.

1.2.2.  L’objectif de flexibilité

Ignorer la flexibilité d’un projet revient à négliger les capacités de raison­nement et de décision des dirigeants de l’entreprise. Tout décideur compé­tent modifiera le déroulement de son projet à mesure que le temps passe et que de l’information nouvelle surgit. Cette flexibilité s’exprime fréquem­ment en termes d’options :

  • l’option de différer l’exécution du projet;

  • l’option d’abandon du projet;

  • l’option d’arrêt (par exemple dans le cas de l’évaluation d’une usine).

L’incorporation de ces options dans l’évaluation des investissements a conduit à un nouveau critère : la valeur actuelle nette augmentée (VANA). Celle-ci se définit comme étant égale à la somme de la VAN classique plus la valeur des options attachées au projet.

VANA = VAN (classique) + Valeur des options attachées au projet.

 

2. La politique de financement

Elle pose la double question de l’alternative de financement (interne ou externe) et du choix d’une structure financière.

2.1    . L’alternative du financement

L’entreprise se trouve confrontée à une double alternative de financement : elle a tout d’abord à choisir entre le financement interne et le financement externe; puis à l’intérieur de ce second mode entre dettes et capitaux propres. Enfin, lorsque le choix du financement externe se fait, l’entreprise peut s’adresser au circuit bancaire, aux établissements financiers spécia­lisés, à des partenaires industriels et commerciaux, ou encore faire appel aux marchés de capitaux.

Il convient de remarquer que les aspects fiscaux jouent un rôle non négli­geable dans l’alternative de financement.

Le schéma ci-après résume les différents termes de ces alternatives de financement :

 

 Schéma 2 : Les alternatives du financement dans l’entreprise

2.1.1. Le financement interne

Le financement interne de l’entreprise a trois origines possibles :

  • les cessions d’éléments de l’actif immobilisé qui peuvent résulter :

-     du renouvellement normal des immobilisations qui s’accompagne chaque fois que cela est possible, de la vente des biens renouvelés;

-     de la vente de certains actifs hors-exploitation (terrains, sièges sociaux...);

-     de la mise en oeuvre d’une stratégie de recentrage : l’entreprise cède alors des participations, des filiales...

  • la cession-bail (lease-back). C’est une opération qui consiste, pour une entreprise, à céder des biens immobiliers ou des biens d’équipement à une société de crédit-bail qui lui en laisse la jouissance sur la base d’un contrat de crédit-bail prévoyant les conditions du rachat;

  • l’autofinancement qui est secrété par l’activité courante de l’entreprise et qui est égal à la somme des Dotations aux amortissements et du bénéfice non distribué, il représente le financement interne par excel­lence. L’autofinancement dans la mesure où il contribue à l’accroisse­ment des capitaux propres de l’entreprise accroît sa capacité d’emprunt mesurée par le ratio :

                        

et sa capacité de remboursement mesurée par le ratio :

                             

Le financement interne est toutefois rarement suffisant à financer la crois­sance de la firme, qui est amenée à faire appel au financement externe.

2.1.2. Le financement externe

Deux solutions sont envisageables : recourir à l’endettement ou faire appel aux capitaux propres ou aux quasi-fonds propres.

  • Les capitaux propres et les quasi-fonds propres

Les capitaux propres externes proviennent bien entendu tout d’abord d’un apport de fonds sous forme de capital au sens strict Les apporteurs de capi­taux propres reçoivent en échange de leur apport des actions. L’action est un titre de participation qui confère à son possesseur la qualité d’associé et lui donne droit à une part proportionnelle des bénéfices distribués par la société. Elle lui donne aussi un droit de contrôle sur la gestion de l’entre­prise qui s’exerce par le droit de vote.

Une entreprise souhaitant faire appel public à l’épargne, notamment dans le cas d’une augmentation de capital par émission d’actions nouvelles, peut recourir au marché des actions. Elle a la possibilité d’être cotée sur trois marchés le marché officiel (ou cote officielle), le second marché et le « nouveau marché »  destiné à accueillir les jeunes sociétés innovantes.

Les capitaux propres externes proviennent aussi de certaines primes, ainsi que tout ou partie de certaines subventions dans la mesure ou elles restent définitivement acquises à l’entreprise.

Depuis la fin des années 70 on assiste au développement constant des quasi-fonds propres. Trois lois fondamentales ont joué un rôle essentiel dans ce domaine la première loi, celle du 13 juillet 1978, a assimilé les prêts participatifs à des capitaux propres. La deuxième, la loi du 3 janvier 1983 permet la création de titres hybrides, entre capitaux propres et dettes. Ainsi viennent se ranger aux côtés des obligations convertibles en actions introduites dans le droit français par la loi du 6 janvier 1969, les certificats d’investissement, les titres participatifs, les obligations à bons de sous­cription d’actions.

La troisième loi, du 14 décembre 1985, n’est pas moins importante. Elle introduit d’une part, les titres subordonnés à durée indéterminée (T.S.D.I.) qui sont assimilables à des fonds propres lorsqu’ils ne sont pas amortissables et offre d’autre part, la possibilité aux entreprises de dessiner elles-mêmes la configuration des produits financiers qu’elles veulent émettre. Le prêt-à-porter financier a laissé place au sur-mesure et les entre­prises ont rivalisé d’imagination dans leur recherche de titres permettant d’accroître leurs fonds propres des bons de souscription d’actions ou de certificats d’investissements ont ainsi été attachés à des obligations conver­tibles ou remboursables en actions, ou encore à des certificats d’investisse­ments.

  • L’endettement

Le financement externe par endettement peut revêtir des formes très diverses. Par souci de simplification, nous en distinguerons quatre grandes catégories l’endettement bancaire, les emprunts auprès du public (emprunts-obligations), le recours au crédit-bail et le crédit inter-entre­prises.

                        * L’endettement bancaire

Les banques proposent à l’heure actuelle une large gamme de concours. Parmi ceux-ci, il convient de citer le prêt, les lignes de crédit, les « Multiple Options Facilitees » (MOF) qui sont des lignes de crédit confir­mées assorties d’options de financement comme par exemple des avances bancaires en francs ou en devises, des émissions de billets de trésorerie, des tirages à très court terme.

Parmi les crédits de trésorerie on distingue les concours destinés au finan­cement des créances clients (escompte, crédit de mobilisation des créances commerciales), les billets financiers et les avances en compte (facilité de caisse, découvert).

Les crédits à long terme sont essentiellement le fait d’organismes spécialisés notamment le Crédit National et le Crédit d’Equipement des Petites et Moyennes Entreprises.

                        * Les emprunts-obligations

Seules les sociétés de capitaux peuvent émettre des obligations, c’est-à-dire des titres de créance, au porteur ou nominatif, dématérialisés, donnant lieu au paiement d’intérêts et ne conférant aucun droit de regard sur la ges­tion de l’entreprise. Le marché obligataire a connu depuis le début des années 80 une croissance sans précédent, à la fois en volume et en qualité. Les innovations concernant les titres offerts ont été très nombreuses et ima­ginatives, dans les types de rémunération (taux fixe, taux variable, taux révisable), dans la durée et le mode d’amortissement (remboursement in fine, obligations prorogeables, à fenêtres). Ou encore par l’intermédiaire de clauses particulières (bons de souscription d’obligations, bons d’échange, démembrement des obligations, obligations subordonnées).

                        * Le crédit-bail

Il peut être mobilier ou immobilier. il autorise un financement à 100 % des biens considérés, il n’affecte pas la capacité d’emprunt de l’entreprise et constitue une sorte d’assurance contre le risque technologique.

                        * Le crédit inter-entreprises

Il est particulièrement important en France. il diminue d’autant les besoins de financement bancaire. Pour une entreprise le crédit inter-entreprises représente un apport net de ressources si le montant des crédits consentis à ses clients est inférieur à celui accordé par ses fournisseurs. Dans le cas inverse, le crédit inter-entreprises diminue les ressources de l’entreprise.

2.1.3. La hiérarchie du financement

La théorie financière moderne suggère que les entreprises privilégient une hiérarchie au choix de leurs moyens de financement L’approche proposée par MYERS est la suivante :

  • les entreprises choisissent avant tout l’autofinancement (financement interne). Elles adaptent donc le taux de distribution de dividendes aux opportunités d’investissement disponibles;

  • si le financement externe est nécessaire, elles préfèrent d’abord des dettes, ensuite les titres hybrides et en dernier lieu les actions.

2.2. Le choix d’une structure financière

L’entreprise dispose, pour son financement, d’une gamme élevée d’instruments dont les caractéristiques diffèrent. Le choix qu’elle effectue s’opère principalement entre dettes et capitaux propres. La question principale à résoudre étant celle de savoir jusqu’où l’entreprise peut-elle et est-elle incitée à s’endetter ? Cette question a fait l’objet d’une controverse théorique depuis le début des années 50. Les tenants de l’existence d’une structure financière optimale se trouvaient confrontés à ceux qui défendaient l’indif­férence de la valeur de la firme par rapport à son degré d’endettement.

La fameuse proposition de MODIGLIANI et MILLER, selon laquelle la valeur d’une entreprise est indépendante de sa structure financière, résulte d’une démonstration rigoureuse. Elle s’appuie sur un raisonnement par arbitrage et des hypothèses fortes : absence de frais de transactions, d’impôts sur les bénéfices et sur les dividendes et de risque sur la dette, ainsi qu’absence d’asymétrie d’information entre les personnes à l’intérieur et à l’extérieur des entreprises.

L’absence de fiscalité est un élément décisif du raisonnement car c’est elle qui rend possible la substitution parfaite de la dette des actionnaires à celle de la société, ce qui permet à ceux-ci d’être indifférents à la structure du capital de l’entreprise. En revanche, en présence d’impôts qui autorisent la déductibilité des intérêts et amputent les dividendes reçus par les action­naires, l’entreprise aurait toujours intérêt à s’endetter. Dans ce cas, la valeur de la firme est une fonction croissante de son niveau d’endettement. Cette position a toutefois été nuancée par la prise en compte des coûts de faillite. Au-delà du ratio optimal d’endettement, les coûts de faillite dépassent l’économie d’impôt, il vaut mieux cesser de recourir à l’endettement.

La théorie financière moderne a également abordé le problème du choix d’une structure financière. Les modèles se référant à la théorie du signal, indiquent que les dirigeants de la firme signalent sa qualité au travers de la structure financière adoptée : la valeur de l’entreprise dépend du niveau d’endettement retenu. Les auteurs de la théorie de l’agence modélisent une firme dans laquelle les dirigeants détiennent une fraction non négligeable du capital. Ils mettent en évidence une structure financière optimale de la firme, résultant de deux incitations divergentes. D’une part, en présence d’impôt sur les bénéfices, les firmes ont intérêt à émettre des dettes, car les charges financières qu’elles génèrent sont déductibles du résultat imposable : la valeur de la firme croît ainsi avec le degré d’endettement. Mais en contrepartie, l’émission de dettes entraîne la naissance de coûts d’agence. Les firmes vont alors s’endetter jusqu’au point où l’accroissement de leur valeur due aux investissements ainsi financés sera égal aux coûts d’agence marginaux générés par un surcroît d’endettement.

Ces modèles ont donné lieu à de nombreuses extensions et perfectionne­ments qui laissent largement ouverte la discussion autour de la structure financière optimale des firmes.

 

3. Le coût du capital

Le calcul du coût du capital d’une société peut être effectué pour plusieurs raisons. il permet l’étude du coût des diverses sources de fonds et la déter­mination d’une stratégie de financement, il est utile pour le choix d’une structure du capital. Mais son rôle essentiel est surtout lié au choix des investissements.

Le coût du capital intervient dans les calculs de rentabilité fondés sur l’actualisation. S’il ne s’insère pas de la même manière dans chacune des trois méthodes, il y traduit néanmoins une exigence commune.

Le taux choisi traduit le rendement minimum exigé et joue le rôle de taux de rejet puisqu’il permet d’écarter les investissements dont la rentabilité n’est pas suffisante : accepter ces investissements insuffisamment rentables aurait pour effet de diminuer le bénéfice, par action et nuirait à l’objectif financier. En théorie, le coût du capital est égal au taux interne de rentabilité qui maintiendrait inchangé le cours de l’action.

Avant d’étudier le coût global du capital, il convient de déterminer le coût de ses différentes composantes.

3.1.  Coût des différentes sources de fonds

Les sources de financement peuvent se classer en deux catégories selon qu’elles ont un coût explicite ou un coût implicite.

3.1.1. Coûts explicites

On dit qu’une source de financement a un coût explicite lorsqu’il lui correspond des flux monétaires positifs et négatifs effectifs.

De manière générale, le coût explicite d’une source de financement peut être défini comme le taux actuariel qui égalise les fonds perçus aux fonds versés à des fins de remboursement ou de rémunération. Ainsi, si S est une somme mise à la disposition de l’entreprise et si Rt représente les versements annuels nets de l’entreprise (charges de remboursement plus frais financiers nets (économie d’impôts déduites des rémunérations). Le coût de S est défini par le taux k tel que :

          

 

C’est donc le taux de rentabilité interne pour l’agent qui finance.

            * Coût de la dette bancaire :

Soit une dette de montant D et de taux d’intérêt i. Soit t le taux d’imposi­tion. Le capital est remboursé intégralement au bout de N années. Le coût kd est tel que :

         

 

On montre facilement que kd = i(1 - t).

            * Coût d’une émission d’obligation avec prime amortissable linéai­rement :

Soit p la prime d’émission amortissable sur N années, E le montant de l’emprunt. Le coût de cette source kE est tel que :

             

 

Il découle que le coût réel de la dette (ou taux actuariel de revient) est différent du taux contractuel (ou facial ou nominal), pour diverses raisons :

- les frais initiaux qui comprennent les commissions bancaires de direction, de placement, de garantie, les frais de publicité financière, d’impression de titres et de note d’émission... L’ensemble atteignant environ 3,5% à 4% du montant de l’emprunt.

L’impact de ces frais sur le taux réel est important car ils sont supportés à l’origine et ne bénéficient pas de l’actualisation;

- les primes d’émission et primes de remboursement;

- la date de jouissance qui est la date à partir de laquelle courent les inté­rêts. Elle peut être antérieure ou postérieure à la date de mise à dispo­sition des fonds. Une date antérieure augmente le coût actuariel alors qu’une date postérieure le réduit;

-   les frais annuels qui incluent notamment la commission de gestion payée à la banque chef de file d’une émission pour la gestion des titres, tenue des registres des assemblées d’obligataires la commission de paiement de coupons, de remboursement de titres ; le différé d’amor­tissement ou différé de remboursement.

            *           Coût de l’action émise

La définition de ce coût est celle qui a alimenté toute la controverse théorique sur le coût de capital. En appliquant cependant la définition précédente au calcul de ce coût, on peut dire que si un investisseur accepte d’acquérir des actions d’une société, c’est paire qu’il en attend une rémunération annuelle sous forme de dividende ou une rémunération lors de la cession des titres, c’est-à-dire une plus-value, ou par les deux.

Ainsi, si un investisseur acceptait de mettre S francs dans une société patte qu’il escompterait recevoir un dividende annuel de D francs et revendre l’action avec une plus-value de DS francs dans n années, le coût de l’action pour l’entreprise serait défini par le taux tel que :

                    

soit :

        

 

Cette définition est claire, mais, si toute une controverse s’est développée, c’est parce que les anticipations des actionnaires ne peuvent être clairement précisées ni en valeur, ni dans le temps, ni en nature.

Si les actionnaires acceptaient de mettre une somme S à la disposition d’une société en espérant en retirer des dividendes Dt chaque année i jus­qu’à une période infinie, le coût de S serait défini par l’expression :

               

 

et égal à (sommation de la progression géométrique)

                            (formule de Gordon)

 

Si on supposait que ces actionnaires attendent un dividende annuel qui par­tant de D0 Croîtrait annuellement à un taux composé g pour mettre une somme S à la disposition de la société, le coût de S serait défini par l’ex­pression :

                              

et égal

                   (formule de Gordon-Shapiro)

  

* Coût du crédit-bail

Le crédit-bail peut être assimilé à un emprunt hypothécaire. Le locataire doit payer une somme fixe chaque année, comme pour un emprunt mais il s’agit, juridiquement et fiscalement, d’un loyer intégralement déductible, sans que l’entreprise puisse amortir fiscalement l’immobilisation concernée, puisque Celle-ci reste la propriété de la société de crédit-bail.

                         

 

C0 = valeur de l’investissement financé

t  = taux d’impôt sur les sociétés

Lt = montant du loyer de l’année t

At = montant de l’amortissement au cours de l’année t

Rn = valeur de rachat en fin de contrat

Kc =coût du crédit-bail

3.1.2. Coûts implicites ou coûts d’opportunité

Le coût d’opportunité pour un actionnaire est la rentabilité qu’il pourrait obtenir en investissant dans une autre entreprise de risque équivalent, c’est-à-dire kp. C’est le coût de l’emploi alternatif.

Le coût de l’autofinancement (au sens du coût du capital correspondant à cette source, et non pas au sens du coût de la source) est donc égal à kp (si l’on fait abstraction des impôts et frais de transaction sur achats d’actions). En effet, si l’entreprise finance des investissements dont la rentabilité est inférieure à kp, le prix de l’action baisse. Par conséquent kp est le coût de l’autofinancement.

En fait, le coût d’opportunité des actionnaires pour les flux correspondant à l’autofinancement est inférieur à kp. Car si ces flux étaient versés sous forme de dividendes puis réinvestis dans une autre entreprise, la rentabilité nette pour l’actionnaire serait :

kp (1 - T) ( 1-B)

où T est le taux d’imposition des actionnaires, compte tenu de l’avoir fis­cal.

B est le taux des frais de transaction.

3.2. Coût moyen pondéré

3.2.1.  Principe

Le coût du capital est obtenu en pondérant les coûts des différentes sources de financement par leur ratio dans la structure des capitaux permanents, soit :

       

Ainsi, dans une société possédant 40 % d’endettement à 10 % net et 60% de capitaux propres à rémunérer à 20%, le coût du capital de l’ensemble de la société serait égal à : 0,4 x 10% + 0,6 x 20% = 16%

Les coûts des différentes sources ne sont pas constants. Ils dépendent de la structure du capital, de la conjoncture sur les marchés financiers et des montants élémentaires de financement.

Pour les financements petits, le coût pondéré total est un coût marginal. Si l’on peut calculer le coût pondéré total marginal en fonction du montant total du financement (en supposant par exemple les proportions des différentes sources constantes), on pourra déterminer le montant des investisse­ments comme celui correspondant à l’intersection des courbes taux de ren­tabilité marginal, coût pondéré total marginal.

 

 

Graphique 1 : La détermination du montant des investissements en fonction des courbes de taux

de rentabilité marginale et du coût pondéré total marginal

3.2.2.  Difficultés

Deux sources de difficultés

1) Faut-il utiliser la structure comptable ou la structure boursière du capi­tal ? Théoriquement, on raisonne en termes d’anticipations ou de bénéfices futurs rémunérant l’achat d’une action. Si on veut rester cohérent, il faudrait utiliser comme coefficient de pondération les valeurs de marché. Soit par exemple une société ayant émis 100 000 actions d’une valeur comp­table de 10 F ( 5 F de nominal + 5 F de réserves), d’une valeur boursière de 20 F et ayant un coût du capital A de 10 % et qui aurait par ailleurs émis un emprunt obligataire de 40000 obligations de 20 F coûtant 5% et cotées

15 F; elle aurait un coût du capital évalué à la valeur boursière de :

 

Et un coût du capital évalué à la valeur comptable

 

Les limites des deux méthodes sont évidentes.

La valeur de marché est sujette à des variations boursières aléatoires et ne se justifierait pas pour l’emprunt obligataire puisque celui-ci doit être rem­boursé au nominal ou à un prix fixé qui représente la vraie charge de la société. De plus, la valeur de marché des fonds propres n’existe pas réelle­ment pour les nombreuses sociétés non cotées et pour les dettes non obli­gataires.

La valeur comptable au contraire, même si elle est relativement fixe, ne représente souvent aucunement les fonds propres mis à la disposition de la société et les sous-estime presque toujours.

Il est difficile de suggérer une solution, cependant une capitalisation fondée sur la valeur de marché pour les fonds propres et la valeur comptable de l’endettement peut souvent être valable.

2) Faut-il utiliser la structure du capital existante ou la structure du capital future ? Le problème se pose particulièrement lorsqu’une société veut modi­fier la structure de son capital. Le coût des fonds est en général fondé sur la structure du capital existante. Les banquiers prêtent de l’argent en fonc­tion de celle-ci. Si la société change de structure, le banquier peut changer de taux et l’actionnaire modifier ses espérances de revenu en fonction d’une structure financière de risque différent. La structure financière future déterminant les coûts futurs et les nouvelles anticipations des actionnaires, c’est elle qui doit déterminer les rentabilités des investissements. Il faut noter que le problème est d’autant plus difficile que les structures du capital varient par palier et oscillent parce que le financement se fait par blocs d’émissions d’actions et d’emprunts.

L’ensemble de cette analyse du coût du capital prouve qu’il n’est pas simple de rendre le concept opérationnel malgré son importance cruciale pour le choix des investissements. La réflexion pratique sur les sociétés concrètes doit cependant toujours être tentée parce qu’elle permet de poser les problèmes fondamentaux du financement et du choix des investisse­ments d’une société.

 

4.  La politique de dividende

La politique de dividende que les entreprises devraient suivre est au cœur d’un vieux débat théorique : celui de savoir si les dividendes versés ont un impact ou non sur le cours des actions et la valeur de la firme.

Historiquement, deux grands courants de pensée se sont affrontés dans ce domaine, celui de la neutralité de la politique de dividendes, c’est-à-dire l’absence d’influence sur le cours boursier ; celui de la non-neutralité qui soutient que la valeur des actions est déterminée ou, en tous cas, influencée par les dividendes. La question de la distribution des dividendes est tou­jours actuelle et la théorie financière moderne lui accorde à travers la théorie du signal et la théorie de l’agence une place importante quant au rôle qu’ils peuvent jouer dans la conduite des affaires.

En pratique, les entreprises ont en général une politique de dividende qui s’établit à partir de plusieurs considérations.

4.1.  Aspects théoriques

4.1.1. La thèse de la neutralité

Elle est dominée par les travaux de MODIGLLANI et MILLER pour qui le divi­dende n’aurait aucun impact sur la valeur des actions, et la politique de dividende ne serait qu’une décision résiduelle. Elle n’a aucune importance dans la réalisation des performances financières de l’entreprise. Ce qui influence la valeur de l’action, ce n’est pas le bénéfice réalisé mais la ren­tabilité attendue de l’investissement.

Les thèses qui vont à l’encontre de la théorie de la neutralité, prennent sur­tout en considération l’effet de l’incertitude sur le comportement des épar­gnants. Un revenu certain et immédiat ne signifie pas la même chose pour l’actionnaire qu’une plus-value à terme. Le rendement attendu des inves­tissements est entaché d’incertitude. Des arguments de nature psycholo­gique ont été également pris en compte, notamment à travers la théorie de la clientèle qui repose sur la constatation que les investisseurs n’ont pas tous la même attitude face au placement, certains recherchant un revenu régulier, d’autres préfèrent un placement spéculatif.

4.1.2.  Le dividende comme signal de communication financière

Le dividende joue un rôle de signal quant aux perspectives sur les béné­fices et les cash-flows que les dirigeants des sociétés concernées sont les mieux à même d’apprécier.

Les changements dans la politique de distribution de dividendes sont au cœur de la politique d’information financière et constituent l’un des moyens qu’ont les dirigeants de transmettre de l’information aux opéra­teurs sur le marché financier, qui sont moins informés, sans trop dévoiler leurs projets à leurs concurrents. Les investisseurs feront monter les cours des sociétés qui augmentent leurs dividendes, et baisser ceux des sociétés qui les réduisent.

4.1.3. Le dividende comme moyen de surveillance et de contrôle des équipes dirigeantes

Verser des dividendes, et de manière conséquente, permet de résoudre les problèmes d’affectation du «cash-flow libre» c’est-à-dire du cash-flow disponible après que toutes les opportunités d’investissement rentables ont été saisies, et que les métiers non rentables ont été cédés à d’autres. Cet argument milite en faveur d’une distribution élevée dans les secteurs de faible croissance où les sociétés ont des ressources très abondantes.

De façon générale, le versement de dividendes oblige les sociétés à faire davantage appel aux marchés des capitaux. Ces opérations, nécessairement peu fréquentes, sont l’occasion d’une information beaucoup plus appro­fondie sur l’utilisation que la société fait des capitaux qu’elle gère. Le divi­dende joue ainsi un rôle d’incitation, de surveillance et de contrôle des dirigeants.

4.2.  La distribution en pratique

En pratique, il n’y a pas d’égalité d’accès à l’information. C’est parce que l’information n’est pas également répartie entre tous les acteurs du marché et que la distribution de dividendes est une forme coûteuse de transfert de ressources des sociétés aux actionnaires, qu’elle peut être utilisée comme signal. Les paroles des dirigeants sont d’autant plus crédibles qu’elles s’ac­compagnent d’actions concrètes en espèces. La politique de dividendes est un moyen privilégié de joindre l’acte à la parole. Elle est un moyen de fidé­lisation de l’actionnariat face aux OPA.

En définitive, pour fixer leur dividende, les sociétés doivent tenir compte des cinq paramètres suivants :

-    le niveau passé du dividende;

-    les perspectives de croissance à court et moyen terme des bénéfices par action;

-    le niveau de marge courante par rapport à la marge normale;

-    le «cash-flow libre»

-    la structure de l’actionnariat.

Le taux de distribution étant inversement proportionnel avec le degré de concentration de l’actionnariat. Plus le degré est élevé, plus la distribution est faible et inversement.

En pratique, le paiement du dividende s’opère parfois en actions. Cette procédure permet aux sociétés d’atteindre deux objectifs contradictoires :

Procéder à une distribution généreuse pour signaler leurs bonnes perspec­tives au marché, tout en conservant l’essentiel des liquidités dans l’entre­prise pour financer les besoins financiers qu’elles engendrent.

 

Panorama de la gestion,

Les éditions d’organisation

TRAVAIL A FAIRE :

Répondre aux questions suivantes :

  1. Quel est le lien entre la politique d’investissement et la politique générale de l’entreprise ?
  2. Quel est le lien entre la politique d’investissement et la politique financière de l’entreprise ?
  3. Quels sont les critères d’évaluation de la rentabilité d’un projet d’investissement ?
  4. Le délai de récupération du capital investi permet-il la mesure de la rentabilité d’un projet ?
  5. Comment peut-on tenir compte de l’objectif de flexibilité en matière de choix d’investissement ?
  6. Quels sont les différents modes de financement ?
  7. Expliquer comment l’autofinancement augmente la capacité d’emprunt d’une entreprise.
  8. Quelle est la principale question qui s’impose en matière de financement de l’entreprise ?
  9. Définir la notion de coût explicite et la notion de coût implicite.
  10. Définir la notion de coût moyen pondéré.
  11. Quelle est la principale question qui s’impose pour un financier en matière de distribution de dividende ?
  12. Quelles sont les principales théories en matière de politique de dividende ?