UNIVERSITÉ DE SFAX

École Supérieure de Commerce

 

Année Universitaire 2003 / 2004

 

Auditoire : Troisième Année

Études Supérieures Commerciales & Sciences Comptables

 

DÉCISIONS FINANCIÈRES

 

Note de cours N° 7

 

Deuxième Partie : La décision de financement

 

Chapitre 2 : Les modes de financement à long terme

 

Enseignant :  Walid KHOUFI

 

1. Introduction

Les instruments de financement traditionnellement connus sont destinés à renforcer les fonds propres (augmentation du capital par émission de nouvelles actions) ou à procurer des crédits à l’entreprise (emprunt bancaire, emprunt obligataire).

Mais en dehors de ces modes de financement classiques, on assiste  depuis quelques années, au développement d’autres moyens de financement tels que  les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d’investissement, les obligations convertibles en action… et à l’apparition de nouveaux produits de plus en plus complexes (les produits hybrides).

 

2. Financement par des fonds propres

Les fonds propres se composent du capital social, du surplus d’apport et des bénéfices non répartis figurant au bilan sous forme de réserves ou résultat reporté.

Les fonds propres présentent l’avantage d’offrir plus de sécurité et de souplesse. Ils sont nécessaires pour :

 

 

2.1. Les différents titres de fonds propres

2.1.1. Les actions ordinaires

Une action est un titre de propriété qui permet à l’acquéreur de s’enrichir ou de s’appauvrir avec la société que l’action représente.

Les actionnaires ordinaires sont les véritables propriétaires de l’entreprise.

  Avantages :

v      Les actions ordinaires ne comportent pas de date d’échéance fixe, l’entreprise n’a pas donc à rembourser les actionnaires.

v      Le financement par actions ordinaires a pour effet d’accroître la réputation de la solvabilité de l’entreprise…

 

Inconvénients :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le principal inconvénient est lié au coût de financement qui est beaucoup plus élevé que celui de la dette et ce, pour les raisons suivantes : la non déductibilité des dividendes de l’impôt et le coût d’émission qui très élevé.

 

 

 

 

 

2.1.2. Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote

 

Ces actions sont autorisées en Tunisie depuis 1992 (par la loi 92-107). Les articles 346 et suivants du code des sociétés commerciales permettent aux sociétés anonymes, dans la limite du tiers de leur capital social, et sous réserves d’avoir réalisé des bénéfices durant les trois derniers exercices, d’émettre des actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Les porteurs de ces titres bénéficient d’un avantage de rendement sous forme d’un dividende prioritaire prélevé avant toute autre affectation sur le bénéfice distribuable, à l’exception des réserves légales et statutaires. La contrepartie du dividende prioritaire est la perte du droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires.

 

 

  Avantages :

Inconvénients :

 

2.1.3. Les Certificats d’Investissement

Les certificats d’investissement sont autorisés en Tunisie depuis 1992 (par la loi 92-107). Ils représentent les droits pécuniaires attachés à l’action, les droits de vote et de présence au niveau des assemblées générales étant représentés par des certificats de droit de vote émis à part.

En général, les certificats d’investissement se font par un démembrement de l’action. Ainsi, grâce à la cession de ses CI, un groupe d’actionnaires majoritaire peut se faire des liquidités sans perdre une partie de son pourcentage de contrôle.

 

2.1.4. Les actions complexes

Ce sont des actions assorties d’un ou plusieurs bons qui permettent de souscrire plus tard à d’autres titres à prix fixé d’avance et dans des délais prédéterminés. Ce type d’actions n’est pas encore autorisé en Tunisie. En se référant au cas français on peut, à titre d’exemple, citer: les actions à bons de souscription d’actions, les actions à bons de souscription d’obligation convertibles…

 

2.2. LA CROISSANCE DES FONDS PROPRES

Avec le développement de son activité, l’entreprise doit faire face à la nécessité d’accroître ses capitaux propres, qui peut s’effectuer de deux façons distinctes:

q       L’autofinancement découlant d’un processus d’épargne réalisé au niveau de l’entreprise même à partir du bénéfice non distribué c’est à dire du bénéfice mis en réserves et des dotations aux amortissements et aux provisions.

 

q       L’augmentation du capital qui peut se traduire par un apport d’argent ou, au contraire, correspondre à une simple régularisation comptable sans mouvement de fonds.

 

2.2.1. Les modalités d’augmentation de capital

 

L’augmentation de capital est décidée par l’assemblée générale extraordinaire et peut être réalisée:

* par apport en numéraire.

* par apport en nature.

* par incorporation des réserves.

L’augmentation du capital par incorporation de réserves ne se traduit par aucun flux de fonds et son principal impact est d’augmenter la confiance des tiers. Dans ce cas  l’entreprise accorde à ses actionnaires existants de nouvelles actions gratuites par le biais des droits d’attribution. Chaque actionnaire reçoit en effet, un nombre de DA proportionnel au montant des actions détenues. Ces DA permettent à l’actionnaire de recevoir de nouvelles actions.

Alors que, lorsque l’augmentation du capital est traduite par un apport en numéraire, l’entreprise accorde à ses actionnaires existants le privilège de souscrire en priorité à la nouvelle émission d’actions par le biais des droits préférentiels de souscription (DPS). Chaque actionnaire reçoit en effet, un nombre de DPS proportionnel au montant des actions détenues. Ces DPS permettent à l’actionnaire d’acheter les nouvelles actions à un prix stipulé d’avance, appelé prix de souscription, et ce avant une date d’échéance donnée.

L’actionnaire qui possède des DPS a les choix entre les exercer, les vendre sur le marché secondaire ou les laisser éteindre.

S’il exerce ses DPS, il conservera alors la même part relative dans la propriété de l’entreprise. Alors que s’il décide plutôt de les vendre, il recevra une compensation pour la dilution du prix de ses actions.

Il faut remarquer que la richesse de l’actionnaire demeurera inchangée, par rapport à sa richesse avant l’offre des DPS, s’il exerce ou vend ses droits. Par contre s’il laisse éteindre ses droits, sa richesse diminuera.

 

Exemple 1

 

 

 

Une entreprise qui est financée exclusivement par des fonds propres a actuellement en circulation 500000 actions. La valeur de l’unité est de 12,5 dinars (prix avec droits). Elle désire recueillir 1100000 dinars par le biais d’une émission de droits préférentiels de souscription. Le prix de souscription a été fixé à 11 dinars.

1/ Combien de nouvelles actions l’entreprise devra t-elle émettre?

2/ Combien de DPS seront nécessaires pour acquérir une nouvelle action.

3/ Déterminer la valeur plancher ou théorique d’un DPS.

 

 

4/ Montrer que la richesse d’un actionnaire restera inchangée s’il exerce ou vend ses droits de souscription, mais que celle-ci diminuera s’il les laisse éteindre. Supposez le cas d’un actionnaire détenant 100 actions (avant la nouvelle émission).

 

 

 

 

 

Solution

 

1/ Nombre des nouvelles actions à émettre =

Financement requis/Prix d’émission = 1100000 / 11 = 100000 actions

2/ Nombre de droits nécessaires = N = 500000 / 100000 = 5 droits

 

3/ PA: valeur marchande d’une action avec droit.

PS: valeur marchande d’une action sans droit.

VP: valeur plancher ou théorique d’un droit.

VM: valeur marchande d’un droit = VP + prime

S: prix de souscription consenti aux actionnaires

N: nombre de droits nécessaires pour acquérir une nouvelle  action.

1ière méthode: Les droits permettent d’acquérir au prix S des actions qui vaudront PS sur le marché. Comme il faut N droits pour acquérir une action au prix de faveur, la valeur d’un droit ne peut être inférieure à la valeur plancher

VP = (PS – S)/N.

Cherchons d’abord PS ?

• Valeur de l’entreprise avant la nouvelle émission:

500000 * 12,5 = 6250000

• Valeur de l’entreprise après la nouvelle émission:

6250000 + 11 * 100000 = 7350000

PS = 7350000 / (500000 + 100000) = 12,25 dinars

Donc    VP = (12,25 – 11) / 5 = 0,25 dinars

2ième méthode: La valeur d’un droit correspond également à la différence entre le prix de l’action avec droit et le prix de l’action sans droit VP = (PA – PS) = (12,5 – 12,25) = 0,25

3ième méthode: Finalement on peut calculer la valeur théorique d’un droit comme suit:

On sait que VP = (PS–S)/N       (1)

et que VP = (PA–PS) donc PS=PA–VP    (2)

(2) dans (1) VP = (PA–VP–S)/N

Donc VP = (PA–S)/N+1 = (12,5–11)/(5+1) = 0,25 dinar.

 

 

 

4/ 100000 Nouv. act.    è 500000 Anc. Act.

    1 Nouv. Act.            è  5 Anc. Act.

Il faut donc 100 droits pour acquérir 20 actions au prix de 11 dinars

* Richesse avant la nouvelle émission:

 

100 PA = 100 * 12,5 = 1250 dinars

* Richesse s’il vend ses droits:

 

100 PS + 100 VP = 100 * 12,25 + 100 * 0,25 = 1250 dinars

 

* Richesse s’il exerce ses droits :

 

120 PS - 20 S = 120 * 12,25 - 20 * 11 = 1250 dinars

 

* Richesse s’il laisse éteindre ses droits:

 

100 PS = 100 * 12,25 = 1225 dinars

Si l’actionnaire laisse éteindre ses droits, sa richesse diminuera de 25 dinars soit 100 * 0,25

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2. Financement par endettement à terme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’emprunt à moyen et long terme constitue la principale source de financement des entreprises. Il peut recouvrir des formes très diverses, on distingue généralement les emprunts classiques (emprunt bancaire, emprunt obligataire), le crédit bail et les produits hybrides et optionnels.

 

3.1. Les emprunts classiques

3.1.1. L’emprunt bancaire

Ces emprunts accordés par les établissements de crédit sont aussi connus sous l’appellation d’emprunt indivis défini à partir de quatre paramètres: son montant, sa durée, son taux nominal et son profil de remboursement (c’est à dire in fine, par amortissement constant ou par annuités constantes).

 

3.1.2. L’emprunt obligataire

Les entreprises privées cotées en bourse et les grandes entreprises du secteur public ont la possibilité de faire appel directement à l’épargne publique en émettant des obligations, c’est à dire des titres de créance négociables. Il s’agit de contrats financiers qui précisent les obligations de l’emprunteur à l’égard du prêteur, notamment les modalités de rémunération et de remboursement du capital prêté.

Il existe plusieurs catégories d’obligations: à taux fixe, à taux variable, à taux indexée, à coupon zéro, à coupon unique.

Un emprunt obligataire est caractérisé par:

* la valeur nominale : c’est la valeur qui figure sur le titre appelée aussi valeur faciale. C’est sur cette valeur que sont calculés les intérêts En Tunisie, la valeur nominale ne peut être inférieure à 5 dinars;

* le prix d’émission ou de souscription : c’est le montant à verser par toute personne qui souscrit une obligation au moment de l’émission. Si la valeur d’émission est égale à la valeur nominale de l’obligation on dit que l’émission se fait « au pair », alors que si elle est inférieure à la valeur nominale on dit que l’émission se fait « au dessous du pair » ;

* le prix boursier : c’est un prix de marché. Il est donc, déterminé par la confrontation sur le marché de l’offre et de la demande, et dépend du taux d’intérêt qui est pratiqué sur le marché en question ;

* la prime d’émission : c’est la différence entre la valeur nominale et le prix d’émission;

* le prix de remboursement : c’est le prix que l’émetteur s’engage à payer au porteur de l’obligation, au moment du remboursement ;

* la prime de remboursement : certains emprunts obligataires sont remboursés à un prix supérieur au nominal, c’est à dire avec une prime de remboursement en faveur du détenteur de l’obligation ;

* le taux facial ou taux nominal : c’est le taux d’intérêt qui est appliqué à la valeur nominale;

* les intérêts : généralement annuel, l’intérêt peut être servi à un taux fixe qui est convenu d’avance ou à un taux variable qui est fonction d’un taux de référence sur le marché tel que le taux du marché monétaire (TMM). L’intérêt est souvent appelé coupon.

* la durée : la durée de vie de l’emprunt est le temps compris entre la date de souscription et la date de remboursement de la dernière tranche de l’emprunt. En Tunisie, les emprunts obligataires sont émis pour une durée minimale de cinq ans.

 

3.2. Le crédit bail

Le crédit-bail est un mode de financement des investissements qui dans son esprit, s’assimile à l’emprunt. Un contrat de crédit-bail se caractérise par :

 

3.3. Les produits hybrides et optionnels

Afin de ne pas proposer aux investisseurs un produit déprécié et risqué, l’entreprise peut orienter son choix vers des titres moins risqués mais plus compliqués, comme par exemple l’obligation convertible en action ou l’obligation à bon de souscription d’action.

 

3.3.1. Les obligations convertibles en action

Le souscripteur d’une obligation convertible, titulaire à l’origine d’une créance à l’encontre de l’entreprise, a la faculté, au terme d’un délai, d’exercer une option entre la conservation de sa créance obligataire ou la conversion de son titre en action. Il n’y a donc d’augmentation de capital pour l’entreprise que dans le cas d’une conversion : les fonds propres ne sont ainsi que potentiels.

 

3.3.1. Les obligations à bons de souscription en actions

L’obligation à bon de souscription en action présente une différence majeure avec l’emprunt convertible. Dans l’obligation convertible, l’option de conversion n’est pas séparable de la partie obligataire. Dans une émission d’OBSA, les deux instruments sont émis conjointement mais font l’objet ensuite, de transactions séparées, ce qui permet au souscripteur à une OBSA de ne pas perdre sa qualité d’obligataire après l’exercice de son option contrairement au souscripteur à une obligation convertible.